Semaine de prière pour l’unité des chrétiens

La Semaine de prière mondiale pour l’unité des chrétiens est célébrée du 18 au 25 janvier 2022.

Le thème cette année est « Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage » (Mt 2,2). Il a été préparé par le Conseil des Églises du Moyen-Orient (dont le siège est à Beyrouth, au Liban), il parle du besoin mondial de solidarité et de transformation devant les défis politiques, économiques et sociaux actuels, ainsi que les injustices marquées et exacerbées par la pandémie de la COVID-19.

On vous laisse des extraits de la réflexion faite par ce groupe:

« D’une part, nous ne pouvions pas ignorer les inquiétudes—ou plutôt les doléances— politiques et régionales. D’autre part, nous désirions la douce présence de Dieu au milieu de nos douleurs. Et alors, ce thème [Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage (Mt 2, 2)] a été inspiré par un texte des Écritures, qui réunit les difficultés politiques envers l’ humble adoration d’un nouveau-né. Alors, prenons un peu de temps pour nous arrêter à quelques-uns des thèmes que le texte choisi de Matthieu 2, 1-12 nous a offerts et dont je vous ferai part en espérant qu’ils pourront vous inspirer dans votre propre contexte.

Pour les chrétiens du Moyen-Orient, c’est maintenant une lutte pour la survie, et on se demande : Ne va-t-il plus rester de chrétiens en Orient? Plus de chrétiens qui connaissent l’encens ou qui peuvent marcher chaque jour sur la route de la fuite en Égypte? Et qu’en est-il de l’étoile qui est apparue à l’Orient et du bébé né à Bethléem? Cet endroit ne compte-t-il plus? Sommes-nous ou ne sommes-nous pas les gardiens de cette lumière à l’endroit où elle est d’abord apparue?

Mais ensuite, nous avons compris que cette lumière, bien qu’elle soit apparue à l’Orient, n’est pas seulement pour l’Orient, ni pas seulement pour les chrétiens. Nous avons regardé les Mages, ces étrangers, ces marginaux, et nous avons été touchés par le fait que non seulement ils avaient faim de la lumière, mais ils ont également pu la reconnaître, même si ceux qui étaient proches ne l’ont pas fait.

Les initiés n’y comprenaient rien, et ils n’ont pas vu le [miracle] extraordinaire qui était au milieu d’eux. Alors, en pensant aux Mages, nous devions réfléchir à l’universalité de la grâce de Dieu, non seulement au sens géographique, mais aussi pour tous les peuples. Ici dans le texte, cela pourrait nous renvoyer aux Gentils, qui n’étaient pas seulement un autre groupe ethnique, mais aussi un groupe de gens qui avaient d’autres pratiques religieuses : la contemplation des étoiles, la surveillance des signes des temps, presque comme une sorte de ministère sacerdotal. C’était une activité méprisée par les Juifs. Après tout, la Bible hébraïque interdisait la divination et l’astrologie (Dt 4, 9; 18, 19; Is 47, 13). Pourtant, ce ne sont pas les rois des Juifs, ni leurs prêtres, ni les sages hébreux des environs qui y ont été attirés, mais les « autres ».

En méditant sur les Mages, nous avons aussi été amenés à penser à la tendance que nous avons parfois à nous approprier la lumière qui est venue dissiper les ténèbres par le Christ, en présumant qu’elle est seulement pour nous, en agissant comme si nous seuls en comprenions la valeur. Au Moyen-Orient, nous sommes entourés par des musulmans et des Juifs ainsi que par d’autres groupes religieux plus petits. Qu’avons-nous fait de cette lumière au milieu d’eux? Avons-nous présumé qu’ils ne pourraient pas la voir? Certains commentateurs signalent le fait que les Mages se sont appuyés sur une révélation naturelle (l’étoile) pour se rendre dans la région, mais qu’ils ont eu besoin d’une révélation spéciale (rappelée par les grands prêtres et les scribes d’Hérode) afin de trouver l’endroit exact du Christ, Bethléem de Juda.

Cependant, cette séparation entre révélation naturelle et révélation spéciale est une discussion qui nous divise comme chrétiens; elle nous fait voir l’importance de notre révélation spéciale tandis que nous nous rassemblons autour des Écritures. La lumière est pour tous, mais nos Écritures aussi devraient être accessibles et compréhensibles à tous, particulièrement dans notre monde de ténèbres, un monde où les ténèbres s’épaississent aujourd’hui pendant que la confusion règne (personne ne semble connaître le chemin) et que le désespoir grandit avec les retombées de la COVID-19.

Au Moyen-Orient, ces ténèbres semblent être notre compagne de tous les jours. Depuis les jours d’Hérode, un empire après l’autre a occupé et opprimé notre peuple à tour de rôle. Bien sûr, nous devons admettre qu’en tant que chrétiens, nous avons parfois collaboré avec les oppresseurs et que parfois nous avons fait de graves compromis. Le fait demeure tout de même que jusqu’à nos jours, le leadership et la royauté sont des sujets épineux. En écrivant notre texte, nous considérions les leaders du monde qui nous entoure et les modèles que nous trouvons, pas seulement en politique, mais aussi dans l’Église, et nous nous demandions de qui nous avons appris nos modèles de leadership : du Christ qui se vide de Lui-même—qui n’a pas considéré l’égalité avec Dieu comme un bien à exploiter (comme nous le lisons dans l’épître aux Philippiens)—, ou des Hérodes de ce monde? Hérode, ce leader despotique, devenu roi sur son propre peuple avec l’aide de l’occupant de l’Empire romain et grâce à des guerres, il n’était pas là pour servir les autres, mais pour se servir lui-même. Il était paranoïaque et insécure, craignant l’unique roi nouveau-né parce qu’il savait qu’il ne méritait pas son leadership. Alors, afin de protéger sa position, il recourait au mensonge et à la tromperie. Il prétendait être religieux, affirmant que lui aussi voulait adorer le nouveau roi, une ruse qui l’a finalement aidé à tuer et à conserver le pouvoir. À la fin, il a commis un massacre. Beaucoup d’innocents ont été tués afin qu’une seule personne reste au pouvoir. Et personne n’a semblé en être ennuyé, sauf les parents éplorés : tant de parents éplorés, pas seulement en Judée, à Gaza, en Cisjordanie, à Alep, à Beyrouth, à Bagdad, au Caire. La voix des parents éplorés remplit l’air. Le pouvoir despotique d’Hérode a chassé la Sainte Famille—comme tant d’autres familles dans la même situation—, qui a dû se réfugier. Alors, les gens sont allés à Toronto et à Vancouver, ils se sont joints à la communauté syrienne d’Ottawa et de Halifax, ou aux Iraniens de Calgary. Quelle scène terrible! Et en plein milieu de toute cette injustice et de toute cette violence, se trouve le Christ serein, Celui qui fait cesser les guerres jusqu’aux extrémités de la terre. Celui qui nous présente un genre de royauté tout à fait différent de celui que l’on rencontre en Hérode ou dans les Hérodes d’aujourd’hui. Un Roi qui est venu non pour être servi mais pour servir. Il est né en marge pour être avec ceux qui sont en marge, dans la petite ville de Bethléem, un endroit insignifiant, et dans une famille inhabituelle. Sa naissance et sa vie ont apporté à la fois la paix et le dérangement. Et avec Lui, nous nous sentons appelés, ensemble comme Églises et communautés de croyants, à apporter la paix et le dérangement! Le dérangement des structures oppressives et des systèmes d’injustice qui imprègnent notre monde. Et en dérangeant, nous travaillons aussi pour la paix de ceux qui sont écrasés, poussés en marge, privés de leur humanité, massacrés, traumatisés, réduits à la famine et obligés de devenir des réfugiés de la guerre ou du changement climatique.

Devant ces difficultés, nous, au Moyen-Orient, nous nous sommes demandés : Pouvons-nous parler de tels appels, des appels si redoutables, à déranger ceux qui vivent dans le confort et à réconforter ceux qui sont dérangés? À résister face à la tyrannie et à contester les systèmes? Nous, chrétiens du Moyen-Orient, de moins en moins nombreux d’heure en heure, qui sommes affaiblis par chaque nouveau coup qui nous frappe? Alors, avant d’être découragés, nous avons pensé à Bethléem. « Et toi, Bethléem, […] tu n’es certes pas le dernier ». Qu’on soit petit, faible, un petit troupeau, un grain, une pincée de sel, cela n’a jamais été un problème dans l’Écriture; au contraire, cela a toujours été un moyen de bénédiction. Dans un monde consumériste où on nous apprend à penser selon la logique du marché, nous en sommes venus à confondre les nombres et le succès. À penser que plus gros, c’est meilleur. Cela n’a pas seulement été un sujet de découragement pour nous, mais nous voyons beaucoup de nos amis et de nos partenaires, en Europe et à d’autres endroits où le sécularisme a réduit leur nombre, qui restent paralysés, terrifiés par le petit troupeau. Cette attention aux nombres nous a empêchés de porter attention à nos dons. Des dons qui nous rassemblent. Des dons qui sont uniques et qui, quand nous les déposons aux pieds du Roi nouveau-né, peuvent dire une histoire et témoigner de l’enfant royal et divin qui va mourir pour la vie du monde. Enfin, nous avons réfléchi à l’autre chemin »

Allocution prononcée par la révérende. Rima Nasrallah, Ph.D,. participante du Conseil des Églises du Moyen-Orient au group international de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens