Un simple regard

 

 

 

 

Une soixantaine. C’est le nombre approximatif de personnes vivant en situation d’itinérance dans la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. Combien d’autres vivent actuellement en équilibre sur le mince fil qui les sépare de la rue ? Parfois, un seul coup dur suffit pour basculer. Une soixantaine de personnes donc qui errent d’une ressource à l’autre quand elles sont ouvertes et qui errent tout court quelques jours par semaine en dehors des heures de services !

Il y a un service à la clientèle 7 jours sur 7 pour régler un problème avec un cellulaire, mais chaque semaine, seulement quelques jours pour les personnes en situation d’itinérance faute d’investissement. Faute d’argent. Faute de place, faute d’infrastructure, faute de personnel, faute de… Ce n’est pas normal, ce n’est pas humain. Ce n’est pas éthique de laisser des personnes dormir dehors quand il fait froid. Ce n’est pas chrétien de ne pas au moins les saluer quand on les croise. Ne pas les regarder quand on les voit ou de ne pas les voir quand on les regarde.

Un simple regard réchauffe le cœur, câline l’âme et rehausse la dignité.

Un jour, j’étais à l’intérieur d’un bâtiment abritant un guichet automatique. Il y avait là un vieil homme qui dormait, emmitouflé dans ses habits usés. Quand je suis sortie, il avait les yeux ouverts et je suis partie sans rien lui donner mais surtout sans rien lui dire. Pas même une salutation, un sourire. J’ai quitté sans même le regarder. Regarder quelqu’un, c’est le reconnaître. C’est le voir. S’il est vrai que les yeux sont le miroir de l’âme, regarder quelqu’un dans les yeux, c’est accéder à son intimité la plus profonde. Détourner les yeux, c’est détourner l’âme. Pourtant, un seul regard peut faire toute la différence.

À l’approche du temps de l’Avent, les organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes démunies sont déjà débordés et le nombre de demandes augmente chaque jour.

Par un beau dimanche après-midi de novembre, une quinzaine de jeunes (en parcours de catéchèse) avec leurs parents ont préparé 75 sacs à lunch contenant sandwichs, crudités et collation. Ces sacs ont été déposés au Spot sur la rue Bouthillier. C’est un centre de jour où les personnes en situation d’itinérance se regroupent même en dehors des heures d’ouverture.

L’une des familles qui a pris part à la livraison (avec Mme Francine Mackay) a eu la chance de rencontrer un homme qui se trouvait là.

Ils ont eu le temps de se regarder. Face à la présence des personnes qui vivent dans la rue, on ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas. Face à ces frères et sœurs, je fais la même demande que Bartimée à Jésus : « Maître, que je retrouve la vue. »

Louise Blais, coordonnatrice des activités pastorales