Destruction, persécution, espérance!

Homélie à la paroisse Saint-Jean-l’Évangéliste (Évangile de Luc 21, 5 -19)

33e dimanche tu Temps ordinaire, Année C.

Nous étions en 1993, dans un village en Haïti, lorsqu’un vent de panique annonçait que: « Jésus est dans la cité, accompagné d’une armée terrifiante et marchait de porte en porte pour imposer des punitions aux humains ». Les écoles étaient renvoyées, les parents, les professeurs, les étudiants et tous les citoyens de la cité étaient sur le choc. D’où venait ce vent de panique? Nous habitons un village où 70% de la population est protestante. Chaque matin, ils clamaient : « Jésus revient bientôt, préparez-vous, sinon vous allez tous consumer du feu venant du ciel ». Cette prédiction sur la fin du monde plongeait toute la cité dans une peur bleue : peur d’un Dieu qui s’est donné la peine de nous créer par amour et veut nous détruire en retour, peur d’un Dieu lointain, vengeur qui n’est pas notre voisin, un Dieu tyran, moraliste qui juge et condamne toujours. Il fallait attendre la fondation d’une chapelle catholique en 2015, pour que les gens du village aient une autre compréhension de la fin du monde et commençaient à se libérer de la peur. C’est pourquoi dans cette homélie, je vais m’accentuer sur trois mots : destruction, persécution, espérance.  

 1- La destruction : Pendant que les disciples parlaient de la beauté des pierres du temple de Jérusalem, Jésus leur dit que le temple sera détruit. Pourtant, au moment où Luc met la touche finale à ces versets, la destruction du temple a déjà eu lieu en 70 par les Romains. Or, l’Évangile de Luc est écrit en 85 apr. J.-C. Ce que Jésus dit est beaucoup plus une réflexion sur la destruction au lieu d’une prédiction. Le mot destruction du temple est utilisé ici pour nous faire comprendre que les œuvres humaines sont passagères. Évitons d’être trop obsédés par les institutions temporaires, occupons-nous davantage des pauvres de Yahvé dans la communauté. Par rapport aux prédictions, Jésus nous prévient de n’être pas ébranlés, car chaque époque a ses propres faux prophètes tels que nous l’avons expliqué au début. Chaque époque a ses propres guerres (..). Chaque moment aussi a ses propres catastrophes, ses pandémies (le tremblement du 26 janvier 1700 au Canada, qui a détruit des maisons des Cowichan dans l’île de Vancouver, la grippe espagnole en mars 1918 qui a fait 100 millions de morts). Aujourd’hui, c’est le changement climatique, où la COP27 se réunit en Égypte du 6 au 18 novembre, pour réfléchir sur l’avenir de la planète par rapport à la pollution. Selon Sameh Shoukry, président désigné de la conférence mondiale sur le climat COP27, cette année, il n’y a pas de place pour le retard dans la lutte contre le changement climatique. À partir de ces évènements, sommes-nous à la fin du monde? Dieu nous invite plutôt à reconnaître que nous habitons un monde   fragile, qui dès sa genèse a été toujours le théâtre de la guerre, des pandémies, des catastrophes naturelles. Il fait appel à notre sagesse pour contrôler nos émotions par rapport à la guerre, notre intelligence pour anticiper les dégâts des catastrophes naturelles. À cet effet, les Canadiens sont experts en prévention. En été 2020, lors d’une visite sur une ferme à Saint-Eustache, le recteur du séminaire de Montréal me disait : « Ici, nous planifions tout en fonction de l’hiver afin de faciliter la cohabitation avec l’environnement. Sinon, ce serait la destruction totale.

2-La persécution : Jésus introduit une liste de persécutions auxquelles ses disciples peuvent s’attendre : arrestations ; procès devant les autorités gouvernementales; trahison, haine familiale et même l’exécution. D’ailleurs, tous les apôtres de Jésus sont morts martyrs à cause de leur foi. Les persécutions n’en finissent pas. Aujourd’hui, en chine, il est illégal d’être chrétien, en Inde, au Nigeria, il suffit d’être religieuse, prêtre ou évêque pour être sujet de kidnapping, en Moyen-Orient des chrétiens négocient au quotidien avec la torture, au Nicaragua récemment un évêque a été mis en prison, des communautés religieuses expulsées en raison de la foi. Comme dit Bernard Bro, il n’y a jamais eu de christianisme tranquille dans le monde. À la différence, au Québec, nous avons la joie de vivre un christianisme tranquille (je dis tranquille, pas la Révolution tranquille). C’est pourquoi nous avons besoin de prier constamment pour les chrétiens persécutés en pays de mission difficile. Devant la misère des humains, nul ne devrait rester indiffèrent. Ainsi, Dieu nous confie la mission de prier pour les souffrants de la vie et les persécutés de l’histoire. En plus de prier pour eux, nous avons besoin de souffrir avec eux, de leur donner de notre sommeil, de notre écoute, de notre vie, de notre visite d’amitié et un peu de nous-mêmes, afin que leurs souffrances acceptées puissent devenir source de vie nouvelle et de témoignage, tel que dit le poète espagnol Jose Miguel: « Que les portes de tes souffrances deviennent des lieux de louanges ».

3-Espérance : Saint-Luc écrit ces paroles d’évangile il y a plus de 2000 ans. Je ne pense pas qu’il voudrait que ces paroles soient applicables à la situation d’aujourd’hui. Peut-être que cette souffrance directe pour la défense de la foi retrouvée dans l’évangile n’est pas nécessaire pour nous au Québec, parce que c’est fini le temps de l’apologie. Cependant, quand la réputation d’une personne est ternie, lorsque nous sommes confrontés à l’humiliation ou à la moquerie à cause de nos propres valeurs chrétiennes, nous payons un prix pour cela. Il y a une profonde souffrance qui touchera toutes nos vies et au milieu de cette souffrance, nous pouvons entendre la voix du Dieu de l’histoire nous disant : « reste avec moi, abandonne-moi ta vie et je serai avec toi ». Ce Dieu pèlerin a le pouvoir de nous traverser toutes les souffrances et persécutions qui surviennent dans notre vie de foi. Frères et sœurs bien-aimés, ne faisons plus de notre Dieu un Dieu de la peur. Cultivons plutôt l’image d’un Dieu d’amour et d’espérance, qui met fin à notre temps d’attente et exauce nos prières pour ce couple qui ne pouvait pas enfanter, ce projet personnel qui touche à son accomplissement, ces grands-parents qui voient naitre leurs petits-enfants, ces malades, ces cœurs blessés qui sont guéris, ces personnes âgées qui sont visitées, écoutées et réconfortées, pour ces familles réconciliées, pour ces itinérants hébergés,  ces immigrants qui sont accueillis, et enfin pour cette communauté vivante, ici  rassemblée, qui prie et chante sa foi en ce Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Amen!

Fritznel Mertyl, stagiaire