Benoît XVI, un géant spirituel
Le nom et l’héritage de Benoît XVI seront toujours étroitement liés à sa décision, en février 2013, de renoncer à la papauté : il est ainsi devenu le premier pape à renoncer volontairement à la fonction de Pierre depuis Célestin V en 1294 et cela a provoqué une onde de choc dans toute l’Église. C’est donc aussi le meilleur point de départ pour essayer de comprendre qui était vraiment Ratzinger.
La décision, a déclaré Benoît XVI à l’époque, a été prise en toute liberté et a été motivée par la prise de conscience qu’il n’avait plus la force d’accomplir adéquatement toutes les tâches requises du pape… Dans l’esprit de Benoît, il y avait aussi une nouvelle manière de rester « aux côtés du Seigneur crucifié », une nouvelle manière de participer à ce ministère pétrinien par le « service de la prière » plutôt que par un gouvernement actif. « Le Seigneur m’appelle à ‘gravir la montagne’, à me consacrer encore plus à la prière et à la méditation », a-t-il déclaré lors de son dernier angélus en tant que pontife. « Mais cela ne veut pas dire abandonner l’Église. En effet, si Dieu me demande de le faire, c’est pour que je puisse continuer à servir l’Église avec le même dévouement et le même amour avec lesquels je l’ai fait jusqu’à présent, mais d’une manière plus adaptée à mon âge et à mes forces. »
Cette insistance dramatique sur la primauté absolue de la prière dans la vie de chaque individu et de l’Église tout entière, et sa conception correspondante du christianisme comme « histoire d’amour » entre Dieu et l’humanité, est en fait une facette de Ratzinger qui n’a pas été suffisamment soulignée jusqu’à présent ; paradoxalement, elle pourrait bien constituer son plus grand héritage et le marquer comme un maître spirituel pour les générations à venir.
« Dieu a créé l’univers pour entrer dans une histoire d’amour avec l’humanité. Il l’a créée pour que l’amour puisse exister ». L’histoire du salut n’était pas « un petit événement, sur une pauvre planète, dans l’immensité de l’univers », mais « la raison de tout, la raison de la création », ajoutait-il alors en 2008, avant de conclure : « tout a été créé pour que cette histoire puisse exister, la rencontre entre Dieu et sa créature ».
Dans les derniers jours de son pontificat, il a magnifiquement décrit la foi comme « rien de plus que le contact de la main de Dieu dans la nuit du monde, et ainsi – dans le silence – entendre la parole, voir l’amour ». Et s’adressant à ceux qui s’inquiètent de l’avenir de l’Église après son abdication, il a ajouté : « Je voudrais nous inviter tous à renouveler notre ferme confiance dans le Seigneur, à nous confier comme des enfants dans les bras de Dieu, confiants que ces bras nous tiennent toujours, nous permettant d’avancer chaque jour, même lorsque le chemin est difficile. Je veux que chacun se sente aimé par le Dieu qui a donné son Fils pour nous et qui nous a montré son amour infini. Je veux que tout le monde ressente la joie d’être chrétien. »
Et quelques mois avant sa mort, il a écrit que « à la lumière de l’heure du jugement, la grâce d’être un chrétien devient encore plus claire pour moi. Elle m’accorde la connaissance, et même l’amitié, avec le juge de ma vie, et me permet ainsi de franchir avec confiance la porte sombre de la mort ».
Il est fort possible que les générations futures ne le connaissent pas d’abord comme « Ratzinger le théologien », mais comme « Ratzinger, le mystique de l’amour de Dieu pour l’humanité ».
Source : Zenit le monde vu de Rome, 4 janvier 2023
De : P. Sameer Advani, LC, professeur de théologie dogmatique à l’Athénée pontifical Regina Apostolorum.