Laissez-vous habiter par la Lumière
En mars 2011 je participais à une retraite en Israël. Je veux vous partager un moment important que j’ai vécu et vous comprendrez pourquoi je le fais aujourd’hui.
Quand je suis parti pour cette retraite, j’étais habité par une partie de ma responsabilité comme curé de la cocathédrale, que je portais avec difficulté, pesanteur et même un lourd sentiment d’impuissance.
Le fait est le suivant : j’étais à l’église de l’Agonie, appelée aussi église des nations parce que plusieurs nations ont contribué à cette construction, dont le Canada. Elle est située dans le jardin de Gethsémani. Elle a été construite pour que tout soit sombre à l’intérieur, de façon à faire ressentir physiquement le tragique de ce que Jésus a vécu dans ce jardin. Je méditais sur les paroles de Jésus qui priait son Père d’éloigner de lui sa coupe, tout en se rendant disponible à sa volonté. Je prenais conscience que Jésus ne pouvait plus rien changer à la situation, tout était accompli.
Il demeurait toutefois libre d’accepter ou de fuir. Je ressentais une grande tristesse. Puis, tout à coup j’ai réalisé que j’étais en train de vivre quelque chose de semblable. En effet, moi aussi j’étais placé devant des choses que je ne pouvais pas changer, mais une responsabilité à poursuivre. J’ai vraiment vécu la douleur de la situation, mais en même temps, je me suis comme abandonné, à la manière de Jésus… Puis quelques instants plus tard, le sentiment d’impuissance était disparu et je me suis relevé de là avec l’énergie, la détermination nécessaire pour vivre la suite dans ma responsabilité. Ce que je comprends de cette expérience spirituelle, c’est ceci : j’ai rencontré Jésus dans son authenticité, sa douleur, telle que rapportée dans les évangiles, et sa confiance inébranlable en son Père. Je l’ai rencontré aussi dans la vérité de mon être avec ce que je vivais et grâce à cela, j’ai expérimenté une nouvelle force pour continuer.
C’est ce type de rencontre qui est évoqué dans l’extrait de l’Évangile de Jean proclamé le 3e dimanche du Carême. Jésus nous est montré dans un de ses besoins, il a soif. Notez que les évangélistes ne passent jamais sous silence les besoins humains de Jésus. Parce que c’est à travers cela qu’il rencontre des gens. Dans la vérité de son être. La samaritaine arrive au puits à une heure inusitée. Aller chercher de l’eau à l’heure la plus chaude de la journée, ça indiquait qu’elle ne voulait pas rencontrer les personnes qui l’isolaient dans ce village. Jésus se présente à elle avec son besoin de boire et lui indique qu’il est prêt, en retour, à lui donner quelque chose dont elle a besoin. Dans la version longue de l’Évangile, elle s’aperçoit que Jésus la connaît, qu’il sait qu’elle a eu plusieurs maris et que celui avec qui elle vit n’est pas son mari, d’où son exclusion dans le village. De plus, elle ne se sent pas jugée par Jésus. Alors, elle se montre à lui telle qu’elle est, elle manifeste son désir de boire l’eau vive. Jésus répond à son attente comme elle a répondu à l’attente de Jésus qui avait soif. Donc une rencontre dans la vérité des êtres qui transforme la vie de cette femme.
Elle part raconter ce qui lui était arrivé et beaucoup de gens viennent rencontrer Jésus à partir de son témoignage et beaucoup commencèrent à croire en lui parce qu’ils avaient pu faire une véritable rencontre. « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant; nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment le Sauveur du monde. » Des personnes qui rencontrent Jésus dans la vérité de leur être et qui reconnaissent Jésus dans la vérité de Son Être, un homme qui incarne Dieu et qui peut tout transformer dès qu’on accepte cette vérité de ce qu’il est.
Prenons conscience que Dieu s’est fait humain en Jésus. Il n’y a rien de notre humanité que Jésus n’a pas connu. Il a eu du succès, il a reçu de la reconnaissance, il a mangé, bu, partagé des repas, il a été blessé, il a vécu des refus, du rejet, il a souffert, il est mort. Nous l’oublions peut-être trop souvent. Avant de passer par la Résurrection, il a vécu tout le reste.
En nous donnant beaucoup d’indications sur l’humanité de Jésus, les Évangélistes nous permettent de méditer cela, de constater que Jésus s’est souvent mis dans notre peau. Si nous prenons le temps de méditer ces scènes, nous allons nous reconnaître en lui, dans notre humanité. Nous allons rencontrer Jésus tel qu’il était, mais aussi nous allons découvrir la confiance qu’il avait en son Père ce qui lui ouvrit le chemin de la Résurrection.
Quand la rencontre avec le Seigneur se fait dans la vérité de l’être, elle ne peut que nous transformer. Je vous souhaite de ces rencontres qui transforment. Pour les faciliter, nous allons nous rappeler que la Parole de Dieu est lumière, comme on a allumé une bougie dans notre 3e dimanche du Carême. Goûtez-la, laissez-la habiter ce que vous vivez. Le Seigneur regarde la vérité du cœur de chacun et chacune, il voit toutes nos soifs et les apaise de son eau vive, de sa présence. Alors, n’hésitons pas.
Abbé Yves Lepain